Un journaliste, ça parle avec bien du monde. Parfois, c’est intéressant ce qu’on entend. Alors, on a envie de le dire à tout le monde. C’est ainsi qu’un petit oiseau m’a dit que des bibliothécaires de Montréal avaient pris l’initiative d’appeler les personnes âgées et vulnérables en ces temps de crise.
C’est beau, c’est humain, c’est nécessaire et ça fait du bien. Cette initiative témoigne, pour moi, de la résilience communautaire, de la solidarité citoyenne et du rôle majeur des services de proximité en temps de crise. Voilà un article qui trouverait bien sa place pour réchauffer les cœurs dans ces temps difficiles.
Pourtant, vous ne lirez jamais cet article.
Afin de recueillir des témoignages que j’imaginais poignants de bibliothécaires bienveillants, il me fallait solliciter l’autorisation de ceux d’en haut : le service des communications.
Parfois, les relationnistes construisent des ponts et aident les journalistes à recevoir des informations ou les dirigent vers les bonnes personnes. D’autres fois, les relationnistes s’improvisent maçons et bâtissent un mur entre leur organisation et les journalistes. Il faut croire qu’actuellement bâtir des murs est plus à la mode que bâtir des ponts.
C’est pour cela que vous ne lirez pas cet article.
Une relationniste du Service de l’expérience citoyenne et des communications de la Ville de Montréal a décidé que la population ne méritait pas d’entendre les témoignages probablement touchants des bibliothécaires. Malgré mon insistance, le couperet est tombé : « les fonctionnaires n’accordent pas ou peu d’entrevues pendant le confinement, priorisant le bon déroulement des opérations », m’explique-t-elle. Pourtant, dans un courriel précédent, une cheffe de division de la Direction des bibliothèques m’annonçait être disponible pour me parler. Comme j’aurais aimé vous rapporter son témoignage.
Prioriser le bon déroulement des opérations. Vraiment ? Même dans le contexte actuel, il ne me semble pas insurmontable d’accorder une entrevue téléphonique de quelques minutes à une journaliste. Après tout, pas plus tard que la semaine dernière, un médecin n’a eu aucune difficulté à m’en accorder une. N’est-il pas dérangeant de se servir de la crise sanitaire pour tenter de légitimer un refus de collaboration ?
Outre cette fausse motivation, ce refus me paraît gravement préjudiciable à l’image des services publics. Faut-il le rappeler, le financement des bibliothèques provient des deniers publics. Il est donc normal et sain de rendre des comptes à la population sur leurs utilisations (dans ce cas-ci, si positive). Ce manque de transparence inquiète ; quelle réponse aurais-je reçue s’il était question, cette fois, de faire la lumière sur une situation problématique ?
Ce refus témoigne enfin d’un manque de considération pour cet autre service public que sont les médias dont le rôle est, évidemment, d’informer la population du bon comme du mauvais… N’en déplaise aux services de communication.
Et voilà pourquoi vous lisez cet article.
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