Impossible de ne pas connaître le symbole du serpent qui orne les ambulances, les pharmacies et même le drapeau de l’Organisation mondiale de la santé. Pourtant, à force de le côtoyer depuis toujours, qui en connaît son origine ? Revêtez vos toges (et vos masques, évidemment !), Christian R. Raschle, professeur d’histoire romaine à l’Université de Montréal, nous fait faire un saut dans la Rome antique au moment où sévit une grande épidémie… Et nul doute que, comme disait le sage, l’Histoire a la fâcheuse tendance à se répéter.
Nous voilà arrivés en 293 avant J-C et une épidémie ravage Rome. Voilà nos ancêtres obligés d’affronter un ennemi invisible… mais aussi inconnu ! Il faudra encore bien des centaines d’années avant d’identifier les virus et les bactéries qui se cachent derrière les maladies. Les Romains n’avaient peut-être pas les connaissances de notre médecine moderne, mais, heureusement, ils pouvaient compter sur les conseils avisés d’Apollon, le chef des chefs en matière médicinale.
Ou presque. Il semblerait qu’à cette époque, le Dieu Apollon était fort occupé puisqu’il délégua la gestion de l’épidémie à son fils guérisseur, Esculape (aussi connu sous son nom grec d’origine, Asclépios). Le problème c’est qu’Esculape vivait dans un grand centre curatif à Épidaure en Grèce, à plus d’un millier de kilomètres de Rome ! Qu’à cela ne tienne, une mission diplomatique s’est mise donc en route pour amener le dieu guérisseur grec au chevet de la Rome malade…
Et le serpent, me direz-vous ? Eh bien, justement, nous y sommes. À leur arrivée au temple d’Asclépios d’Épidaure, il s’avéra que le dieu guérisseur revêtait en fait l’apparence… d’un gros serpent !
D’ailleurs, un serpent inoffensif pour l’homme porte le nom de Couleuvre d’Esculape (où Zamenis longissimus pour rester dans le thème latin). Espèce protégée en France, cet animal est, malheureusement, une espèce en danger dans plusieurs pays européens. Un cas loin d’être unique puisqu’une étude de 2013 avertissait que 19% des reptiles sont menacés d’extinction. Plus récemment, une nouvelle étude parue en juin 2020 lançait un hurlement d’alerte sur l’accélération de la sixième extinction de masse des espèces à travers le monde, ce qui, évidemment, menace gravement l’espèce humaine.
Cela étant dit, revenons à notre serpent.
Au terme d’un long voyage qu’on imagine herculéen, le dieu-guérisseur-serpent-Esculape/Asclépios s’installe sur l’île de Tibérine au cœur de la ville de Rome. Quel heureux hasard puisque cette île servait justement de station d’isolement pour les malades… tiens, tiens.
L’île de Tibérine garde encore des stigmates de cette arrivée divine ; sculptée pour rappeler le vaisseau d’Esculape, des décorations faisaient figure de proue tandis qu’un obélisque en son centre rappelait le mât. À ce jour, l’hôpital des Frères de Saint-Jean-de-Dieu perpétue la vocation médicinale de cette île.
Autres témoins de ces temps reculés, le caducée de la médecine qui figure sur les ambulances et le drapeau de l’OMS représente le bâton d’Asclépios, à savoir un long bâton entouré d’un serpent…
Autre temps, autres mœurs… Vraiment ? Le professeur Raschle voit dans cette histoire « une façon élégante de faire de la distanciation sociale en mettant tous les gens malades dans une zone chaude, comme on dit aujourd’hui, entourée par un fleuve. Cela permettait de les éloigner et de voir ceux qui allaient survivre… et ceux qui allaient mourir ». Aujourd’hui, les malades de la COVID-19 ne sont évidemment pas envoyés sur une île… mais bien dans une aile d’hôpital, isolé du reste de la population…et des serpents.
La coupe d’Hygie
Plutôt qu’un bâton, le serpent peut aussi s’enrouler autour d’une coupe. Cette coupe symbolise de la déesse grecque Hygie, fille d’Asclépios en grec (ou Esculape en latin). Comme son père, Hygie est également invoquée dans le célèbre serment d’Hippocrate. La déesse Hygie est la figure de la médecine préventive. En effet, elle préconisait l’adoption de bonnes pratiques d’hygiène, à savoir le lavage des mains à l’huile d’olive ou encore le fait de se nourrir correctement. |
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