Voilà presque deux mois que le son de mon réveil est devenu plus désagréable à entendre que d’habitude. Deux mois que je me réveille tous les dimanche matin avec une angoisse que je ne connaissais pas. Tous les dimanche matin, je me prépare mentalement pour la journée qui m’attend. Je n’aurais jamais imaginé un jour devoir me rendre au travail lors d’une pandémie mondiale.
Nouvelle réalité
Je travaille dans une pharmacie depuis environ un an. C’est un job alimentaire que je me suis trouvée pour aider mes parents. Je travaille tous les week-end, de 10h à 20h. Mais dernièrement, les choses ont changé. La pandémie de COVID-19 a rejoint le Québec. Je travaille dans un service essentiel alors je ne suis pas concernée par le télétravail et je suis encore obligée de me rendre à mes quarts de travail puisque je suis apte à travailler.
Mais j’ai peur. Mon nouvel équipement de travail se résume à un masque qui me fait mal à l’arrière des oreilles lorsque je le porte longtemps et à des gants trop grands pour moi qui rendent mes mains moites. Je suis armée de gel antibactérien pour purifier les mains de tous nos clients et d’alcool à 70% pour désinfecter les surfaces qui sont manipulées. L’odeur de l’alcool me monte à la tête. Souvent, je rentre chez moi avec des nausées.
Seule à l’avant
Je suis seule à l’avant du magasin à devoir gérer les entrées, les sorties, le téléphone et la caisse. Les autres employés travaillent déjà beaucoup ou sont trop effrayés par le virus et ont préféré quitter le travail jusqu’à ce que la situation se rétablisse. Je suis contrainte d’accepter un quart de travail de huit heures sans pause, sans même pouvoir aller me laver les mains à la salle de bain et sans même pouvoir changer de gants ou de masque. Masque qui, selon certains experts, doit être porté au maximum quatre heures d’affilées pour être efficace.
Je fais face à des personnes désagréables qui ne comprennent pas que je ne suis pas l’ennemie. Ils se sentent offensés par les questions que je peux leur poser. « Avez-vous été en contact avec des personnes infectées? » ce à quoi certains me répondent « J’ai déjà répondu à ces questions dans d’autres magasins. » Oui mais monsieur je travaille ici, pas dans les autres épiceries. Certains refusent le gel antibactérien et sont offusqués lorsque je leur demande de partir s’ils ne comptent pas respecter les règles.
Triage des clients
Le triage des clients est simple. Ma pharmacie inclut également un bureau de Postes Canada. On n’accepte que trois clients à la fois, un pour le bureau de poste et deux autres sur le plancher. Je dois poser les trois mêmes questions, toute la journée. « Avez-vous des symptômes : toux, fièvre? » ; « Avez-vous été en contact avec une personne infectée? » ; « Avez-vous déjà eu un retour de test positif au Coronavirus? » Ma langue fourche par moment, je dois sauter du français à l’anglais, d’une personne à l’autre.
Certains sont coopératifs et attendent sagement que je leur donne le feu vert pour entrer. Certains me glissent des remerciements sincères et me demandent de « rester en sécurité, parce qu’on a besoin de vous ». Ces gens-là me mettent un baume sur le cœur et je me dis que ce n’est pas si mal. Après tout, je ne suis là qu’une journée par semaine.
Rentrer chez soi, une fois le quart de travail terminé
Par « chance », mon travail se trouve à dix mètres du palier de mon appartement. Chaque dimanche, c’est le même protocole. Je retire mes gants, je les jette à la poubelle. Même si je me suis lavée les mains avant de quitter le travail, j’appelle mon copain pour qu’il m’ouvre la porte, afin de ne pas avoir à toucher la poignée. Je file directement dans la salle de bain, me glisse sous la douche. Mon corps se relaxe, endolori et épuisé par la journée éreintante qu’il vient de passer. Une chose est sûre, je n’ai pas hâte à dimanche prochain.
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