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La Roumanie face à la COVID-19

La Roumanie a officiellement changé son plan de gestion d’épidémie, passant de "l’état d’urgence" à "l’état d’alerte" le 15 mai. Plus exactement, le pays est passé à un confinement moins contraignant en vue de revigorer certains secteurs économiques.


La Roumanie a officiellement changé son plan de gestion d’épidémie, passant de “l’état d’urgence” à “l’état d’alerte” le 15 mai. Plus exactement, le pays est passé à un confinement moins contraignant en vue de revigorer certains secteurs économiques.

La décision a été rendue publique pour la première fois le 22 avril par le président roumain, Klaus Iohannis au Palais Cotroceni. En conférence de presse, le président portait un masque de protection en tissu afin d’inviter les citoyens à adopter la nouvelle tenue vestimentaire pendant cette période d’état d’alerte. Il a tenu à souligner que peu importe dans quel état la Roumanie se trouvera, le masque s’imposera pour encore longtemps comme une nécessité sociale.

« …nous avons décidé aujourd’hui qu’après le 15 mai, tout le monde aura l’obligation de porter des masques de protection dans les espaces publics et dans les transports en commun. Cette mesure n’est pas limitée dans le temps et nous pourrons renoncer à porter le masque peut-être l’année prochaine, lorsque cette pandémie sera maîtrisée et quand il n’y aura plus de risque d’infection. »Klaus Iohannis, président de la Roumanie, le 22 avril 2020

Klaus Iohannis, lors de la conférence de presse fait au Palais Cotroceni le 22 avril 2020. Il annonce pour la première fois les nouveaux changements qui s’appliqueront à partir du 15 mai 2020 (Crédit photo: presidency.ro)

Un besoin urgent pour redémarrer la société

Le gouvernement a aussi adopté une « Déclaration sous sa propre responsabilité » (Declaratie pe propria raspundere) obligatoire pour toutes les personnes qui ont besoin de se déplacer d’une zone à l’autre, dans la même ville. Les personnes qui travaillaient encore avaient l’obligation d’avoir en main cette déclaration, en plus d’un certificat de travail de leur employeur. Le certificat précisait l’itinéraire exact entre le domicile et le travail, et les citoyens n’étaient pas autorisés à s’écarter de l’itinéraire déclaré. À la suite des changements entrés en vigueur le 15 mai, aucun document n’est plus nécessaire, sauf en quittant la ville avec la “déclaration sous sa propre responsabilité” pour l’état d’alerte.

La nouvelle «Déclaration sous sa propre responsabilité» pour l’état d’alerte

Bogdan Pitaru, journaliste et rédacteur en chef à la chaîne de télévision B1, explique que la décision gouvernementale de changer l’état de la pandémie n’a pas été hâtive, mais en conformité avec les changements qui se passe au niveau international. «Nous allons voir si la décision du gouvernement était bonne lors d’une évaluation ultérieure des chiffres de l’épidémie en Roumanie. Pour l’instant, cette décision est similaire aux mesures prises par d’autres États occidentaux. » Même si c’était une décision controversée, le besoin de passer à un état d’alerte était important pour la Roumanie, spécialement pour des raisons économiques. Le secteur privé étant le plus touché par la crise du virus. Monsieur Pitaru ajoute que l’état d’alerte ne garantira pas une prospérité économique pour tout le monde. «L’économie de la Roumanie a été et continuera d’être gravement affectée par la crise actuelle. Les mesures du gouvernement ont été assez timides. Bien qu’il y ait eu des décisions correctes pour certains secteurs, je note qu’il n’y a presque pas de mesures pour encourager les entreprises qui ont décidé, avec beaucoup d’efforts, de maintenir leur activité et de garder les employés en état d’urgence et d’alerte. » Ici, le journaliste fait référence aux entreprises qui ont continué de fonctionner avec des salariés qui font du télétravail. Le gouvernement n’a proposé aucune aide ou compensation à ces entreprises. En plus, les employés qui travaillent pour l’État sont moins affectés économiquement parce qu’ils bénéficient de la protection du gouvernement. À ce jour, il n’y a eu aucune mise à pied réalisée par l’État et tous les employés ont reçu leurs salaires. Pendant ce temps, il y a eu beaucoup de congédiement dans le secteur privé et ceux qui ne pouvaient pas travailler, recevaient une prestation de chômage équivalente à 75% de leur salaire.

« Il y avait aussi un écart évident entre les employés de l’État, beaucoup plus protégés par les mesures gouvernementales, et ceux du secteur privé (en particulier ceux dans le domaine de l’HORECA et du tourisme) où il y a eu des effets négatifs en chaîne. »Bogdan Pitaru, rédacteur en chef à B1

Par « HORECA », Bogdan Pitaru fait référence aux trois secteurs privés les plus affectés économiquement : les hôtels, les restaurants et les cantines. Valerica Olariu, secrétaire à l’école postsecondaire privée FEG de Bucarest, confirme l’existence de ce déséquilibre, car elle-même a été affectée.« Quand c’était l’état d’urgence, je suis restée à la maison pendant un mois, mais ultérieurement, j’ai été appelée au travail. Ceux qui ne pouvaient pas travailler pour les services essentiels ne percevaient que 75% du salaire, ce qui représentait un chômage technique. Aujourd’hui, même en état d’alerte, il y a encore le personnel des hôtels, des restaurants, des agences de voyages et des centres commerciaux qui reçoit toujours cette aide au chômage. »

L’économie n’est pas le seul secteur fortement affecté par la COVID-19. Le système éducationnel se trouve dans une impasse depuis le début de la pandémie. Malgré l’intention de reprendre les cours d’école en ligne par ZOOM, cette stratégie ne fait que créer de nouveaux problèmes. Les zones rurales n’ont pas une infrastructure assez développée qui permet aux élèves de bénéficier de cette nouvelle technologie. Il existe donc un déséquilibre entre l’accès à l’éducation dans les zones rurales et ce même accès dans les zones urbaines. « Dans l’école où je travaille, mais aussi dans toutes les écoles, les cours se déroulent en ligne sur la plateforme ZOOM. Je travaille à Bucarest et ce n’est pas un problème pour mes élèves, mais les enfants de la province qui n’ont pas accès à Internet ou à un ordinateur ne peuvent pas poursuivre leurs études. Il existe un écart évident entre les villes et les villages. », déclare Madame Olariu.

Reprise des activités religieuses

 Pays majoritairement chrétien orthodoxe, la pratique religieuse en Roumanie était confrontée à cette crise liée au coronavirus. À la suite de la décision prise le 15 mai, l’Institut National de Santé Publique (INSP) a élaboré une série de nouvelles recommandations sanitaires. L’une d’elles concerne la façon de pratiquer la religion en temps de confinement. Pour cela, l’institut va jusqu’à préciser comment interagir avec les objets sacrés et la fréquence de leur désinfection : « Éviter de toucher ou d’embrasser des objets sacrés de culte. Au lieu de ces gestes rituels, il est conseillé de s’agenouiller ou de s’incliner » … « Toutes les quatre heures, les objets fréquemment touchés seront désinfectés: poignées de porte, objets de cultes, icônes, surfaces, etc. ».

Le 12 mai, dans un autre communiqué de presse, le président lui-même a abordé la question, ce qui montre l’importance de la religion dans la vie des Roumains. « Un sujet très important pour moi et pour beaucoup de Roumains est la situation des églises. Les services religieux avec les croyants seront repris dans des conditions spéciales : dans la première phase, dans la cour de l’église ou devant l’église, donc à l’extérieur. Les croyants doivent porter un masque et garder une distance d’un mètre et demi. Dans les deuxième et troisième phases, ces conditions seront évidemment réexaminées. Nous considérons qu’il est important de faire un premier pas et de rendre à nouveau possibles les services religieux aux croyants. Je répète, cette étape est uniquement en plein air. »

À la suite de ces déclarations officielles, des dirigeants de l’Église Orthodoxe Roumaine ont décidé de reprendre les activités religieuses suspendues pendant l’état d’urgence. Dans un message sur Facebook publié le 20 mai, l’archevêque de Tomis, Teodosie Petrescu, a invité ses disciples à reprendre la fête de Pâques, normalement prévue le 19 avril, mais annulée à cause du virus. Ainsi, dans la nuit de 26-27 mai, les chrétiens orthodoxes de la ville de Constanta ont célébré les fêtes pascales et ils ont reçu chacun ce qui est qualifiée de “parcelle de la lumière du «Ressuscité »”.

Le 28 mai, le président a émis un nouveau communiqué de presse où il a annoncé de nouveaux changements à compter du 1er juin. Aucune déclaration ne sera plus nécessaire pour quitter la ville. Les terrasses et les plages seront ouvertes, mais il sera toujours nécessaire de respecter les normes de distanciation sociale. Au 28 mai, la Roumanie avait un total de 18 791 cas confirmés du COVID-19, 12 629 personnes guéries et 1 229 personnes décédées.

 

Les entrevues de cet article ont été traduites librement de roumain par Cristian Mironescu.

Une production journalistique réalisée par :

  • Cristian Mironescu

    Passionné par des sujets comme la géopolitique, la diplomatie, l'immigration, le multiculturalisme et les arts. Originaire de Bucarest, Roumanie. Baccalauréat en Langue, Littératures et Civilisations étrangères (LLCE) spécialisation en anglais et Master en Géopolitique à l'Université Paris 8. Arrivé au Canada en 2019, j'envisage de faire une carrière dans le domaine du journalisme. Mon idéal serait de faire du journalisme international et de rendre publiques les injustices du monde.


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