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Enseigner le français à distance


Apprendre une nouvelle langue peut s’avérer une tâche complexe. L’enseigner l’est tout autant. Dans ce contexte de distanciation sociale où l’enseignement à distance est préconisé, les enseignants font face à des défis supplémentaires lorsque la matière, le français, est enseignée aux nouveaux arrivants.

« Enseigner, ça passe beaucoup par l’oral, donc ce n’est pas évident. », explique Lorenzo Benavente qui enseigne le français à une classe d’accueil à l’école secondaire Jeanne-Mance, située dans le Plateau Mont-Royal.

Les adolescents à qui il enseigne sont d’origines diverses et sont tenus de recevoir une éducation en français en vertu de la loi 101. L’apprentissage de la langue de Molière et de Gilles Vigneault constitue ainsi un élément important de leur intégration.

Depuis la fermeture des écoles, Lorenzo tâchait de poursuivre leur apprentissage en leur envoyant chaque semaine des exercices tirés d’une trousse produite par les conseillers pédagogiques de la Commission scolaire de Montréal et de documents pédagogiques qu’il a lui-même réalisés. Depuis le 4 mai, la directive lancée aux enseignants oblige la tenue de cours et un suivi plus encadré à distance. Lorenzo prépare donc deux séances de cours hebdomadaires pour ses deux groupes d’élèves, divisés selon leur niveau d’apprentissage. « On va voir la grammaire pendant ce temps-là, mais je vais leur donner aussi des trucs à écrire, des textes à lire. », détaille-t-il.

Partir de la base

Pour l’instant, le mot d’ordre est d’évaluer toutes les compétences des élèves et compléter le dernier bulletin de l’année scolaire comme s’ils étaient en classe. Cela s’applique pour tout le monde au secondaire. « Donc, moi, j’ai l’oral, l’écriture et la lecture à évaluer. », explique Lorenzo.

Ses élèves ne se situent pas tous au même niveau. « Il y a des classes d’accueil plus avancées, où on parle déjà français, raconte l’enseignant. La moitié de la classe, composée de nouveaux arrivants, sont avec moi depuis le début de l’année scolaire, avant la COVID-19. Donc, c’est plus facile. Je leur envoie des travaux. Ils sont assez autonomes en français. »

De l’autre côté, il explique que certains élèves ont « tout à apprendre. ». Deux tiers des membres de son groupe de niveau “débutant” sont arrivés au Québec récemment. La moitié de ces élèves ont rejoint sa classe après le temps des Fêtes. Deux d’entre eux y sont débarqués seulement deux jours avant la fermeture des écoles décrétées par le gouvernement.

Les bonnes stratégies

Dans le cadre de son enseignement, Lorenzo peut toujours utiliser l’anglais au cours de ses explications si cela est nécessaire, car la plupart du temps les adolescents sont initiés à cette langue. Quand ce n’est pas le cas, il peut toujours se tourner vers l’espagnol. Même chose dans ses communications avec les parents d’élèves où la barrière de la langue constitue aussi un défi. « Mes courriels sont tout le temps en trois langues : français, anglais et espagnol, ajoute-il. Normalement, ça couvre tout. »

Il espère accompagner son enseignement en ligne d’éléments visuels, ce qui facilite normalement sa tâche. Il essaye aussi d’apporter un aspect plus interactif aux cours pour rendre la dynamique de la classe virtuelle plus intéressante.

L’enseignant mise aussi beaucoup sur la musique et la littérature jeunesse comme outil d’initiation au français. Une stratégie qui se prête heureusement bien au contexte d’un enseignement à distance.

Il explique qu’une autre de ses méthodes d’enseignement a été de puiser dans les « clichés de la culture québécoise » pour concocter son matériel pédagogique lors des suivis effectués auprès des étudiants après la fermeture des écoles. Par exemple, un atelier portait sur le Canadien de Montréal ou un autre sur le pâté chinois.

Lorenzo Benavente présente sa recette de pâté chinois végétarien dans une leçon destinée à ses étudiants.

Miser sur les nouvelles technologies

Pour l’enseignant, les réseaux sociaux se sont avérés utiles pour faire un suivi auprès des élèves. Par exemple, Youtube lui a permis de diffuser les capsules vidéo qu’il a créées pour ses leçons. Il a également permis aux élèves qui le voulaient de lui envoyer des enregistrements par message privé via son compte Instagram pour évaluer leur pratique du français à l’oral « C’était plus facile de les rejoindre comme ça parce qu’ils ne vont pas vraiment voir leur courriel d’école », commente Lorenzo.

Il admet toutefois que ce n’est pas tout le monde parmi le personnel enseignant qui a la même facilité à utiliser ces outils. Lui et ses collègues ont d’ailleurs reçu des formations sur l’enseignement à distance offertes par l’Université TÉLUQ maintenant que des séances de cours sont obligatoires.

Pour les premières séances, Lorenzo et ses étudiants se sont donné rendez-vous virtuellement sur la plateforme Zoom. Toutefois, l’enseignant va se tourner vers Microsoft Teams pour la suite, jugeant qu’il s’agit d’un outil plus pratique dans le cadre de ses cours.

L’école met Microsoft Teams à la disposition du personnel enseignant depuis des années, mais il restait peu utilisé selon Lorenzo. Lui-même regrette d’ailleurs de ne pas l’avoir déjà utilisé dans sa méthode d’enseignement auparavant parce qu’il estime qu’une connaissance préalable de cet outil de travail aurait facilité l’adaptation des élèves au passage des cours à distance.

Selon lui, la présente situation est l’occasion de tirer des leçons. « Ça va être un “wake up call” pour le milieu de l’enseignement, pense-t-il. On n’utilise pas les technologies à l’école. Il y a des profs qui prennent des initiatives. Mais, ce n’est pas généralisé. »

Depuis que les cours ont repris, la participation des élèves a considérablement augmenté. Lorenzo explique que dans les semaines précédentes, seulement quelques élèves lui avaient remis des travaux. « Là, après une semaine, j’ai eu une réponse de 13 élèves sur 17 », se réjouit-il.

Une production journalistique réalisée par :

  • Marc Boulanger

    Après avoir obtenu un baccalauréat en études cinématographiques à l’Université de Montréal et une maîtrise en communication à l’Université du Québec à Montréal, je me suis tourné vers le programme du D.E.S.S en journalisme. En cette période de crise des médias et de la prolifération des « fake news », j’y vois là une manière intéressante de joindre mes passions et les partager à autrui tout en ajoutant mon grain de sel à l’espace public et contribuer à la vie citoyenne plus saine et démocratique, où tous et toutes peuvent être mieux informé(e)s.


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