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Le temps est long

PSY•COVID: une série de capsules sur nos comportements et processus cognitifs en confinement


Photo: Léa Beaulieu

En période de confinement, certains ont l’impression de perdre la notion du temps. Alors que le présent s’étire parfois infiniment, les semaines semblent avoir filé. Le professeur à l’École de psychologie de l’Université Laval Simon Grondin démystifie ce phénomène découlant du «temps psychologique».

Par Léa Beaulieu

Il existe plusieurs définitions au concept de temps psychologique, qui demeure tout de même difficile à définir, indique Simon Grondin. Le professeur et auteur du Temps psychologique en questions explique qu’il s’agit notamment de notre capacité à interroger notre horloge interne afin de comprendre le temps qui passe. Cela nous permet donc aussi bien de « savoir combien de temps il faut peser sur une touche pour produire une note » que d’avoir une idée de la durée d’un voyage en voiture. Le temps psychologique, qu’on apprend à maîtriser par une série d’apprentissages, nous permet, en plus de percevoir le temps qui passe, d’en avoir une notion. Ainsi, « on apprend ce que sont les jours de la semaine et les mois » et on sait ce qu’une seconde ou une minute représente.

Perdre la notion du temps

En confinement, plusieurs sont confus alors que les jours se confondent. Pour l’expliquer, M. Grondin indique que « nous avons une notion du temps que nous tenons pour acquise parce qu’on est extrêmement entraînés, et presque conditionnés, au temps ». On sait donc qu’on est attendu à tel endroit le lundi, que nous ferons telle activité le samedi ou que nous devrons nous occuper de telle tâche le lendemain. Habituellement, nos nombreux repères nous permettent de se situer dans la journée et dans la semaine. « On est faits de routine. Avec le confinement, ce qui a éclaté, c’est la vie normale, la routine, les repères » soutient le chercheur en psychologie. « C’est la raison première pour laquelle les gens ont eu l’impression de perdre la notion du temps » dit-il.

Ça passe si lentement …

Nous avons tous l’impression que le temps passe lentement à certains moments, et rapidement à d’autres. Cette différence dans la notion du temps tient en partie à l’attention portée au temps. « Si on porte attention au temps, ça semble plus long, alors que si on en a été détourné, on aura l’impression que cela s’est passé rapidement », énonce M. Grondin. Selon lui, « si tout ce qu’on a à faire est de penser au temps, parce qu’on a 88 ans et qu’on est dans un CHSLD, qu’on est en train de se bercer et qu’on a plus le droit aux visites, ça se peut que ça nous semble long ».

L’une des explications possibles au temps qui s’étire est alors qu’on ne soit pas assez occupés, évoque le professeur. Les conditions dans lesquelles on se trouve influence également notre notion du temps. « Si on vit des expériences négatives, par exemple si on est six à vivre dans un 4 ½ ou si on a des colocs ou des voisins bruyants, cela peut contribuer à ce qu’on trouve le temps long », avance M. Grondin. 

L’incertitude dans laquelle nous sommes peut également être très difficile et jouer sur notre notion du temps. « Non seulement on perd notre routine, mais on ne sait pas non plus à quel moment nous pourrons la reprendre. Tout devient difficile avec l’incertitude, notamment avec celle du temps. C’est anxiogène pour la plupart des personnes », relate le professeur. 

La situation est d’autant plus anxiogène pour les personnes dont le gagne-pain est en jeu. « L’anxiété risque de nous faire trouver le temps long. On dirait que ça fait exprès: plus on a hâte à la suite, plus cela passe lentement », souligne M. Grondin. Le temps peut alors sembler être une éternité lorsque notre attention est davantage dirigée vers le futur et les défis qui nous y attendent. 

… Et si vite à la fois!

Au moment présent, la notion du temps est guidée par nos mécanismes de l’attention. Lorsqu’on pense aux dernières semaines, on porte un jugement rétrospectif. « Plutôt que de se fier à la quantité d’attention, ce sont nos mécanismes mnésiques qui sont interrogés, nomme M. Grondin. C’est la mémoire qui va déterminer si c’est plus ou moins loin ». Il s’agit donc d’une autre expérience du temps. 

Prise de conscience

« On prend rarement conscience que depuis deux mois du temps qu’on partage tous ensemble, que l’on ait deux ans ou 92 ans. On vit tous le confinement et on partage le même présent », fait valoir le professeur. M. Grondin est d’avis que la conscience du temps a fortement augmenté depuis le confinement. Selon lui, cela tient du fait que nous prenons « rarement pleinement connaissance, dans le moment présent, de vivre des contemporains. Des gens ont vécu la peste il y a quelques siècles, ou la grippe espagnole. Nous, on vit ensemble la covid-19 ». 

« Il y a aussi, à propos du temps, la conscience de son âge et de celle des autres personnes, comme on s’est fait répéter que les risques du coronavirus augmentaient à partir de 70 ans, nomme le chercheur. Et ça, il me semble que c’est une réflexion à propos du temps qui est nouvelle. »

Simon Grondin fait partie d’un groupe de chercheurs s’intéressant à l’influence de la distanciation sociale sur la notion du temps. Pour en savoir plus.

Une production journalistique réalisée par :

  • Léa Beaulieu

    Étudiante en journalisme à l'UdeM et travailleuse sociale, je m'intéresse particulièrement aux problématiques et inégalités sociales. Je suis motivée par la possibilité d'exposer des réalités humaines en alliant rigueur et empathie.


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